Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les grandes illusions
9 septembre 2007

Un papillon au plafonnier #9.

"Je me découvris un jour une formidable sensation de vide. Je ne sentais plus sous ma cage thoracique que le creux d'une pompe. Être dépourvu de sentiments est un engouement qui interdit le poids de la réflexion.
Parallèlement, ce creux même, cette absence de battements de coeur, me semblèrent on ne peut plus lourds. Le suréalisme de l'instant où enfin on se libère de ses vieux démons ne peut souffrir d'être entaché par un mal inexplicable, une impression soudaine d'être laisé.
Alors même que je revivais ce néant qu'un être ne connait pas ou si peu, mon coeur s'affola. Est-il normal qu'une pompe s'affole ? Je décidai de m'en plaindre à qui de droit.

Le responsable de la grande surface où j'avais acheté ma vie n'était pas là. Je déposai donc mon coeur entre les mains d'une parfaite inconnue.
Les inconnus sont souvent parfaits avez-vous remarqué ? Ils donnent cette impression même d'être le jour et la nuit, de se permettre les plus belles contradictions sans que cela n'affecte leur esthétisme iréel, alors que nous, ignorants et béats, alors que nous... Cette indifférence sauvage que leur confère le statut d'étranger n'est pas estimée choquante car la beauté est certes violente, mais jamais ne s'avoue incisive comme une étreinte, comme une blessure.
Mon coeur en main disais-je, la perfection passa du statut d'étrangère à celui d'embarassante.

J'examinai les mailles lâches d'un gilet sans forme qui tombait sur ses hanches sans les marquer vraiment. Je ne distinguais pas les contours de la silhouette, si bien qu'au moment de m'effacer dans un coin de rayon pour lui laisser allée libre, je ne sus s'il était insultant de s'effacer complètement. Etait-elle mince ? Ronde ? Les questions sont toujours d'une rondeur ravissante. J'optai pour mon impression première et m'écartait largement.
« Le service après-vente me semble une bonne alternative » dit-elle, redescendant du tabouret sur lequel elle s'était hissée. Je la découvris petite, enfin. Il était étonnant de voir à quel point la perfection pouvait s'autoriser les traits les plus abstraits et tout conserver de sa splendeur.
« J'ai mal eu coeur » murmurai-je, évasivement, plus pour moi que pour elle, réellement. Je jetai un oeil sur sa peau, ce terme est sans doute le plus vrai car la broche, l'unique pouvant trahir une parcelle de sa personne – elle s'appelait Amante - n'indiquait aucun organe propre, peut-être une poitrine généreuse, je n'aurais pu le dire : la protection vestimentaire mise en oeuvre interdisait tout regard.
Bien des gens ont un foie à la place du coeur, et le cas de cette inconnue était tel que j'ignorais s'il se terrait quoi que ce soit sous ce gilet. Peut-être cachait-il un vide semblable à celui qui habitait ma cage thoracique en même temps qu'une crampe s'y installait."

Publicité
Publicité
Commentaires
O
J'aimerais bien que tu continues.. après tout je ne suis qu'une étrangère sur l'étagère d'un autre rayon...
Les grandes illusions
Publicité
Les grandes illusions
Archives
Publicité