Un papillon au plafonnier #2.

"J'ignore tout des pulsions de mon organe. Je le sais emporté quand vient l'heure d'été, mais j'ignore tout à fait pourquoi. Quand vient le soleil et ses jours frémissants, il y a tant de papillons libres que ça m'en donne des crampes au coeur. Cela me rend fou, voyez-vous, autant de mensonges volant à tout va, sur tous les vents, on en oublie même parfois de faire de noeuds à ses cheveux pour se souvenir que ce coeur là est déjà volé, rien ne sert de le prendre dans ses filets. J'exècre cette petite beauté en plein ciel, et les ingénus qui s'écrient « regarde, le papillon ». Je leur tends le seul doigt dont la révolte s'avoue.
Peut-être cela a-t-il rapport avec mon ego. Voir les femmes et les enfants courir à travers collines et parmi champs me rend nerveux et jaloux comme, comme un papillon épinglé dans une boîte. Je leur envie cette liberté dont ils prétendent jouir.
Pour contrer ce vol qualifié – car rire de voir les papillons en plein bleu n'est ni plus ni moins qu'un vol d'être – je joue à l'amour. Je le fais, et le défais, sans scrupules aucun car on sait très bien que le génie des fous réside dans cette aptitude même qu'ils ont de ne pas s'encombrer de remords inutiles.
Or, mon aversion à aimer dépasse l'entendement. En toute ignorance de cause, je m'acquitte rigoureusement de cette discipline corporelle arrêtée au bastion de mon organe ambigü : la main apprivoise vite. Je ne sais passer outre cette mathématique inflexible des corps, qui, s'ils sont additionnés, n'en font pas moins qu'un. Je ne conçois pas qu'ils fassent bien souvent trois, l'un dans l'autre, engendrant une colline peu esthétique sous l'étoffe. Je n'imagine pas qu'aimer, justement, est le verbe le plus dénaturé, que pour être bon en conjugaison, il ne faut pas moins qu'un coeur.

Vous pensez bien qu'à cet instant, mon égo en prend un coup. Ne croyez pas cependant que je me suis arrêté à une vulgaire étude de la langue française. Non, au lieu de ça, j'ai attrappé des papillons."